Rompre le jeûne avec une gorgée d'eau de source fraîche devient presque un rituel, une pratique très souvent observée à Jijel. En vogue depuis des générations, cette habitude semble apporter une saveur toute particulière pour se rafraîchir après une journée de soif et de disette. En ce mois de Ramadhan qui coïncide avec la période la plus caniculaire de l'année, tous les coups sont permis pour vaincre la chaleur. Si certains trouvent leur compte dans leurs demeures climatisées, nombreux sont ceux qui préfèrent la montagne et ses sources d'eau aux vertus naturelles et rafraîchissantes. Des cortèges de voitures sont quotidiennement observés tout au long des routes menant à ces bourgades montagneuses. Le but évident de cette balade en forêt est de dénicher un coin frais pour se mettre à l'abri de la chaleur. Certaines localités sont devenues de véritables lieux de pèlerinage pour des jeûneurs. Au fil du temps, une certaine intimité se tisse entre les habitués des lieux. «On se voit au même moment et au même endroit presque tous les jours, c'est normal qu'on finisse par devenir des amis», confesse un mordu de ces points d'eau. Les visages qui sont presque les mêmes partagent le même souci, celui de remplir quelques jerricans d'eau fraîche et repartir. «Le but, c'est aussi de passer le temps loin des embouteillages de la ville et des brouhahas des marchés», poursuit notre interlocuteur. En dépit d'un va-et-vient presque incessant des voitures, un calme est étrangement là pour rappeler que la patience est de mise et que les palabres interminables ne rompent pas la quiétude des lieux. Ici la règle est respectée de tous : personne ne vient prendre le tour de l'autre. Certains consentent, cependant, à laisser le tour aux plus pressés. «Mon plaisir est de rester le dernier pour profiter au maximum de la fraîcheur des lieux et partir au juste moment pour arriver à point avec l'annonce de la rupture du jeûne», avoue, Hamid, un quadragénaire qui ne rate que rarement son rendez-vous avec sa source préférée de Mechat, une localité montagneuse au nord de la ville d'El Milia, à l'est de Jijel. Autant dire que, même s'il perd un peu de sa particularité, cet engouement reste le même et ne s'estompe pas après le Ramadhan. Tout au long de l'été, l'eau de source, en plus de sa vertu rafraîchissante, développe une autre vocation et occupe les randonneurs des montagnes dans les vastes contrées forestières de Jijel. Pour son goût à saveur particulière, certains continuent à consommer cette eau même en hiver.