Résumé de la 3e partie n Le procureur est embarrassé car, pour lui, il est difficile de condamner une personne quand la victime pardonne... Puis le procureur se tourne vers le président : «J'imagine, monsieur le président, que la défense s'impatiente en m'entendant prononcer dès maintenant un véritable réquisitoire. Si je l'ai fait c'est pour empêcher que la suite des débats ne tourne complètement à la farce et pour rendre les jurés attentifs à ce qui va être dit.» Effectivement, la défense réagit violemment en la personne d'une avocate : grande, haute et large, sorte de Walkyrie en noir qui chaque fois qu'elle étend ses bras immenses, a l'air de vouloir prendre son vol pour s'élancer vers le plafond : «Puisque le procureur a anticipé sur son réquisitoire, dit-elle, je me permettrai d'anticiper sur ma plaidoirie pour affirmer que la réconciliation de ma cliente et du principal témoin de l'accusation n'est pas une mise en scène organisée pour vous manipuler. Il s'agit bel et bien de deux êtres qui s'aiment. Mais ils n'ont, rappelez-vous, que vingt-trois et vingt-deux ans. Ils viennent seulement de commencer à apprendre ce qu'est la vie en commun. Comme ils sont tous deux spontanés et sans détour, il n'y a rien d'étonnant à ce que cet apprentissage s'effectue dans des conditions difficiles, voire violentes. «Même si vous croyez qu'elle a voulu renverser son amant avec sa minuscule voiture, vous ne pouvez nier que ma cliente aime Erni Schmidt. Sinon, pourquoi l'aurait-elle fait ? Ils ne sont pas mariés, ils n'ont aucun bien à se partager. Or, tant que deux êtres s'aiment, on a le devoir de les aider à rester unis surtout lorsqu'ils ont un enfant.» Là-dessus, profitant du silence qu'observe un instant la défense, le petit président grisonnant et sage s'adresse à l'accusée : «Pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances s'est effectuée votre réconciliation ?» L'accusée faisant voler son foulard de soie se dresse dans son box comme un diable d'une boîte : «Lorsque je suis sortie de la prison préventive, j'avais également l'intention de quitter Erni. Mais il m'a suppliée de ne pas le faire. Il m'a affirmé qu'il m'aimait autant qu'autrefois. Il a promis de se corriger et j'ai voulu lui laisser une chance. — Vous voyez ! s'exclame la défense. Il s'agit d'un amour réciproque et d'une tentative sincère de recommencer la vie en commun.» Et la Walkyrie montre le crâne rasé qui brille dans le soleil : «Voilà pourquoi je suis sûre que vous ne suivrez pas l'accusation. — Une tentative de crime est passible de la prison à perpétuité, grogne le procureur. C'est en toutes lettres dans le Code, vous n'en sortirez pas. — Encore faudrait-il, riposte la défense, prouver qu'il y a eu tentative de crime.» Françoise conteste avoir poursuivi Erni Schmidt en voiture. «J'étais énervée, c'est vrai. Mais je voulais simplement me promener, dit-elle. Et tout est arrivé tellement vite que je ne puis me rappeler ce qui s'est passé. J'ai aperçu Erni et tout de suite après les éclats de mon pare-brise ont volé sur mon visage. — Vous avez déclaré à la police, après l'accident, que c'est votre amant qui s'est précipité vers la voiture. Vous maintenez cette déclaration ? — Oui. — Et vous, Erni Schmidt ?» Erni Schmidt, gêné, charmant, mais le visage toujours un peu mou, hausse les épaules. (A suivre...)