Libérer l'initiative des managers publics en dépénalisant l'acte de gestion sans toutefois ouvrir la voie à l'impunité. C'est ce que propose de faire l'amendement de l'article 199 bis du code pénal, débattu jeudi dernier à l'Assemblée populaire nationale (APN). Si la question a été quelque peu reléguée au second plan lors de l'intervention des députés, laquelle s'est focalisée surtout sur les amendements du code pénal portant sur la dépénalisation du délit de presse, elle a, cependant, retenu l'attention d'un bon nombre de parlementaires. Le fait est que l'article 119 bis modifié rend impossible toute poursuite judiciaire spontanée engagée par le ministère public ou sur la base de lettres anonymes dans le cadre d'une affaire de dilapidation de deniers publics. Seuls les conseils d'administration peuvent se constituer partie civile et saisir la justice par la voie d'un dépôt de plainte. Quant à l'Inspection générale des finances, dont les prérogatives avaient, un temps, été renforcées, elle se contentera désormais de présenter son rapport et c'est à l'Etat actionnaire de prendre les mesures nécessaires. Il est utile de rappeler que de nombreux managers publics, que ce soit au niveau des banques, des entreprises publiques économiques ou des Epic et administrations publiques, se sont plaint du fait que la machine judiciaire soit engagée sur la base «d'une dénonciation non fondée et illégitime», pouvant briser l'élan d'un gestionnaire public, alors que cette «dénonciation peut résulter des velléités de quelques revanchards». Cet état de fait, associé à un manque de maîtrise des questions d'ordre économique et de la vie de l'entreprise de la part des magistrats, a fait naître crainte et inhibition chez les managers publics, lesquels se contentent depuis d'opérations courantes ou s'attèlent à s'imposer des procédures de contrôle tellement lourdes que cela influe sur l'efficacité de l'entreprise et sa rentabilité. Il n'en reste pas moins qu'il faudra préserver les deniers publics et les biens de l'Etat des agissements de fonctionnaires indélicats. C'est ainsi que l'article 119 bis amendé précise que les membres des conseils d'administration des entreprises publiques ou des sociétés de gestion des participation de l'Etat ou tout membre des structures concernées et désignées par le code du commerce et la réglementation en vigueur sont tenus de dénoncer les délits économiques tels qu'énoncés dans cet amendement, sous peine de poursuites. Précisons que l'article 119 bis amendé du code pénal stipule que tout fonctionnaire public ayant provoqué par son laxisme le vol, le détournement, la dégradation ou la perte de deniers publics et privés ainsi que de documents, contrats ou valeurs mobilières mis à sa disposition de part sa fonction encourt une peine allant de 6 mois à 3 ans de prison ferme ainsi qu'une amende allant de 50 000 DA à 200 000 DA. Notons par ailleurs que la séance de jeudi à l'APN a également été consacrée au débat de l'amendement des articles 26 et 29 de la loi portant lutte contre la corruption et dont l'objectif est d'expliciter et cerner les cas de dilapidation de deniers publics et de corruption dans le cadre des passations de marchés publics. Un amendement qui fait suite à la modification du code des marchés publics, lequel devrait faciliter les procédures d'appels d'offres bloqués depuis plusieurs mois tout en garantissant la préservation de l'argent public. M. R.
Bouzid Berkani, membre de la commission des finances et du budget à l'APN : «Il faut revoir le mode de gestion des entreprises publiques» Le député RND et membre de la commission des finances et du budget à l'APN, M. Bouzid Berkani, nous a confié, en marge de la séance plénière consacrée au débat autour des amendements du code pénal, que la dépénalisation de l'acte de gestion devrait relever d'un débat plus large, celui du mode de gestion des entreprises publiques. Il pense dans ce sens que l'Etat a jusqu'à présent la mainmise sur 70% de l'économie nationale, et se prépare à entamer une nouvelle opération coûteuse d'assainissement des entreprises publiques économiques. Chose qui ne saurait aider à la création d'une économie saine. M. Berkani estime que l'Etat ne peut être qu'agent social et non économique. Il peut réguler le marché et non en faire partie. Pour cela, le député RND plaide pour l'ouverture du capital des entreprises publiques au privé national et étranger. Il pourra ainsi garder la propriété du capital tout en bénéficiant de la gestion et du management du privé. Cela permettra, selon lui, de faire participer de manière effective les opérateurs privés, lesquels se plaignent du climat des affaires peu propice à l'édification d'une économie concurrentielle. M. R.