La prime exceptionnelle pour les salariés d'entreprises n'est encore qu'un projet incertain et pourtant d'ores et déjà dépréciée, tant par les salariés que par les employeurs. Les entreprises, s'inquiètent. Une crainte déjà exprimée par le Medef et la Confédération générale des petites et moyennes et grandes entreprises. "Ce débat méconnaît la diversité du tissu économique français et continue d'assimiler la situation des entreprises à celle de grands groupes cotés", a encore réagi avant-hier la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. "Pour toutes les entreprises qui versent des dividendes mais qui ne sont pas d'une extrême solidité, leur demander de verser 1 000 euros, ça peut faire mal", résume Antoine Richard d'une association de directeurs des ressources humaines (DRH). Le président de l'Association nationale des DRH, M. Jean-Christophe Sciberras, a quant à lui déclaré que "les entreprises apprécient que les règles du jeu soient connues à l'avance". "Les changer en cours d'année, ce n'est pas une bonne idée, d'autant que les négociations salariales sont quasiment terminées partout". Les syndicats ont, eux, blâmé la prime qui ne concernera pas des millions de salariés, la mesure ne devrait s'executer ni au service public, ni aux niveau des entreprises qui ne distribuent pas de dividendes, ni aux sous-traitants contribuant à la fondation de la valeur ajoutée des énormes sociétés. M. François Chérèque, patron de la CFDT, a estimé, vendredi dernier sur France Culture, que cette mesure risquerait "d'alimenter une forme de populisme" en "créant "une opposition entre salariés de grandes entreprises qui font des bénéfices et salariés de petites entreprises". "Cette proposition de débattre de la distribution des richesses est utile (...) mais de cette façon-là, ça amènera plus de frustrés que de satisfaits", jugeant qu'elle concernerait "15, 20% des salariés". D'après Antoine Richard, "si on ne vise que les très grosses sociétés, on ne va pas viser grand monde. Si l'objectif est le pouvoir d'achat, il faut élargir l'assiette". Déjà, les dispositifs de redistribution de la richesse des entreprises vers les salariés du privé (participation, intéressement et épargne salariale) ne touchent qu'une partie de la population. En Fin 2008, pas plus de six salariés sur dix du secteur marchand avaient accès à au moins un de ces arrangements, (9,3 millions de personnes), selon les derniers chiffres officiels. Seulement 7,6 millions ont en effet encaissé une prime ou bénéficié d'un abondement de leur employeur à leur épargne. Avec des différences flagrantes : 92% des salariés des entreprises de plus de 500 salariés ont accès à au moins un dispositif, contre 11,6% de ceux des très petites. Jean-Christophe Sciberras présume qu' "Il faut faire attention avant de lancer tout d'un coup qu'on va distribuer de l'argent: cela risque de créer des espérances qui risquent fort d'être déçues". Etant donné que le Crédit agricole souligne dans une note, "la problématique des salaires devient centrale". "La progression des salaires devrait rester modérée en 2011", selon les prévisions de la banque et, avec la hausse de l'inflation, une question se pose sur l'évolution du pouvoir d'achat des ménages.