L'économie du Venezuela, déjà mal en point, va connaître cette année une récession de 7% à 10%, a prédit mercredi le président de la Fedecamaras, la fédération des chambres de commerce du pays, dans le cadre d'un sommet Reuters sur l'investissement en Amérique latine. Carlos Larrazabal juge que la nouvelle assemblée constituante, installée par le président Nicolas Maduro malgré une violente contestation dans la rue, ne fera qu'aggraver une crise économique déjà profonde, qui se traduit par des pénuries de nourriture et de médicaments pour des millions de Vénézuéliens. "Nous ne pensons pas que l'assemblée nationale constituante va être une solution, nous pensons plutôt qu'elle va approfondir, de manière très importante, la grave situation économique que connaissent les Vénézuéliens", a-t-il dit. Pour cet homme d'affaires de 60 ans ayant fait ses études aux Etats-Unis, le Venezuela doit tourner le dos au modèle socialiste promu par Nicolas Maduro dans le sillage de son prédécesseur Hugo Chavez. "Le secteur privé fait partie de la solution et ne fait pas partie du problème", a-t-il déclaré, interrogé au siège de la Fedecamaras. Cette institution est en froid avec le gouvernement depuis que son président de l'époque, Pedro Carmona, a brièvement assumé la direction du pays lors d'un coup d'Etat finalement mis en échec contre Hugo Chavez en 2002. Malgré l'absence de statistiques officielles depuis près de deux ans, des données obtenues en début d'année par Reuters indiquent que l'économie vénézuélienne s'est contractée de 18,6% en 2016, soit sa pire récession en 13 ans. "Tous les indicateurs reflètent que le produit intérieur brut va chuter cette année entre 7% et 10%", a dit Carlos Larrazabal. "Nous chutons plus vite que l'économie américaine a chuté durant la crise des années 1930."
La crise n'épargne pas PDVSA La crise politique qui secoue le Venezuela n'épargne pas la plus grande entreprise nationale, PDVSA, et augure mal de la capacité de l'Etat à continuer à pouvoir compter sur la manne pétrolière. Le Venezuela possède les plus importantes réserves de brut de la planète et le régime du président Nicolas Maduro, comme ses prédécesseurs, compte sur PDVSA pour alimenter les caisses de l'Etat. La production de pétrole du pays devrait néanmoins tomber cette année à son niveau le plus bas en vingt-cinq ans. Et, au vu de la déliquescence qui semble se propager dans une entreprise désormais aux mains de "politiques", les pires scénarios peuvent être envisagés, si l'on en croit des employés actuels ou passés de PDVSA et des responsables de l'industrie pétrolière à l'étranger interviewés pour cet article. "C'est un désastre à tous les niveaux, et en plus il faut qu'on applaudisse", résume un employé, qui ne souhaite pas être identifié de crainte de représailles. La nouvelle direction de PDVSA nommée au mois de janvier, hormis son président, ne cache pas ses préférences politiques et les employés sont cordialement invités à assister aux meetings du Parti socialiste au pouvoir. Directeurs et chefs de service ont menacé de renvoi tous ceux qui ne seraient pas allés voter le 30 juillet pour élire l'Assemblée constituante, que le président Maduro présente comme la seule institution en mesure de sauver le pays du chaos. Que PDVSA, souvent considérée comme un Etat dans l'Etat, soit au service du pouvoir en place, et minée par la corruption, n'est pas nouveau. Ce qui l'est, c'est l'ampleur. Le président de PDVSA s'appelle Eulogio Del Pino. Ce diplômé de Stanford est reconnu par ses pairs pour ses compétences. Le problème est que ce n'est pas vraiment lui qui tient les commandes, explique-t-on au sommet de la hiérarchie de la compagnie et de source gouvernementale.
Jeunes et sans expérience Le véritable patron est le ministre du Pétrole, Nelson Martinez, ancien directeur de l'entreprise de raffinage Citgo, filiale de PDVSA implantée aux Etats-Unis. Il a pour lui d'être un proche du président Maduro et c'est lui aujourd'hui, et pas Eulogio Del Pino, qui négocie directement les gros contrats de PDVSA à l'étranger. Deux autres hauts responsables de PDVSA ont un CV politique marqué, le chef de la division négoce, Ysmel Serrano, un ancien proche collaborateur du vice-président Tareck el Aissami, et Simon Zerpa, vice-président chargé des finances, considéré comme un protégé du président Maduro. L'arrivée ces derniers mois à la tête de Petroleos de Venezuela SA de ces managers jeunes et inexpérimentés, et les luttes internes, ne sont pas sans conséquence pour la bonne marche de l'entreprise, dit-on dans les milieux pétroliers. Il n'est pas rare, désormais, d'attendre des heures à un rendez-vous conclu avec des représentants de l'entreprise. Des décisions apparemment simples prennent un temps fou à être mises en œuvre. "La plupart du temps, les cadres ne répondent même pas au téléphone ou aux e-mails", se plaint un représentant d'une compagnie étrangère liée par contrat à PDVSA. "C'est vraiment surprenant de voir que certains managers sont si jeunes et si inexpérimentés." Il n'est pas rare que le chargement d'un pétrolier à quai prenne de trente à quarante jours. Il n'en fallait que deux ou trois il y a encore quelques années. Les raffineries fonctionnent à un niveau très éloigné de leurs capacités. On estime, de même source, que si les Etats-Unis, dans la panoplie de sanctions dont ils disposent envers le Venezuela, décidaient de s'en prendre au secteur pétrolier, le coup serait très rude pour PDVSA. En attendant, dans l'imposant bâtiment de verre qui abrite le siège de l'entreprise, une forme de gangrène se propage. Les employés se plaignent que les ascenseurs sont presque tous en panne, que leurs véhicules sont vandalisés sur le parking. Le papier et l'encre, quand il y en a, servent à faire des affiches politiques. Et il n'y a même plus de papier hygiénique dans les toilettes.