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«Ecrire, c'est enjamber les frontières»
Ali Kader, écrivain, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 16 - 04 - 2022


L'Expression: Qui est Ali Kader?
Ali Kader: Qui suis-je? Voilà une question à laquelle je ne m'attendais point tant il est délicat de brosser soi-même son propre portait. Tant qu'à faire, je vais essayer de me prêter à cet exercice, surtout quand on naît en pleine tourmente et que les premiers éclats de la vie ne sont autres que ceux de la guerre. Difficile donc de se voir propulser à un avenir prospère et encore moins à une carrière d'écrivain, même si ce type de carrière n'existe pas chez nous. Naître là où la guerre s'était invitée, n'augurait rien de plaisant; que d'horizons bouchés! Aux affres de celle-ci, s'ajoutent celles de ces montagnes démunies où manger, s'habiller et s'instruire étaient une gageure. Grâce à mon pays, on a pu accéder aux bienfaits procurés par l'indépendance que nos aimés avaient arrachée au prix de grands sacrifices. Vivre une enfance gueuse, mais heureuse dans un petit village pittoresque, à l'écart des chemins, Icherkyen pour ne pas le nommer, dans la commune de Maâtkas en Kabylie, un village qui avait comme seul viatique son dénuement en faisant face à sa majesté le Djurdjura qui le nargue; cela forge les hommes jusqu'à leur donner une force d'airain. Quand on a été à si dure école, on n'a pas peur d'affronter l'existence pour peu que l'on sache jeter par à-coups un oeil dans le rétroviseur. Celui qui descend des hauteurs ne craint pas le plat. Le bel établissement primaire de Souk-El-Khémis m'avait accueilli et enseigné les vrais fondements de l'éducation. Oublierai-je ces montagnes, ce village, ces parents et cette école qui inculquaient à leurs enfants les vraies valeurs? Respect, honnêteté, humilité, sobriété et le compter sur soi. Jamais! J'ai suivi un cursus scolaire des plus classiques en intégrant le collège d'enseignement général d'Azazga, puis le Lycée de Draâ-El Mizan avant de gagner l'Institut de technologie agricole de Mostaganem d'où je suis ressorti avec le diplôme d'ingénieur en agriculture. Le Service national dans le Barrage vert dans le lointain Aflou, froid, expédié au bout de deux fastidieuses années, j'épouse une carrière professionnelle des plus linéaires dans l'administration, débutant par le bas, comme formateur à l'Itma de Tizi Ouzou, ingénieur et, finissant dans des fonctions supérieures à Laghouat, Médéa, Béjaïa, Ghardaïa et Sidi Bel Abbès. Mon pays m'a offert l'opportunité de le servir et de me faire découvrir des terroirs aussi fabuleux que différents.
Comment avez-vous décidé d'écrire votre premier roman?
On ne décide pas d'écrire sur un coup de tête. Du moins pour mon cas, je sentais que quelque part dans mon tréfonds, ça se mijotait. Se prédestiner à être chanteur est un voeu, car, déjà petit, le son de la flûte faisait frémir les champs et les collines du village. Un compagnon d'infortune que je ne me représentais plus Dieu que pâtre, savait manier cet instrument. Hélas, moi, pas. J'eus beau m'essayer à ces machins, rien à faire. Je n'avais pas l'âme à cela. Par contre, j'avais la réplique facile, sèche et féconde; la passion d'écrire vient, peut-être, de là. Ensuite, en pleine tourmente à Médéa à feu et à sang, je décide de tenir un journal dans lequel je transcrivais tous les événements importants. Trois gros registres furent noircis. Des années plus tard, en relisant les notes, l'idée d'en tirer un roman m'est venue. Le titre est ''Ces si belles années sanglantes''. Une fois terminé, je le remis à lire à un ami, Salah Mouhoubi, un écrivain et un économiste de talent, d'une intelligence et d'une probité exemplaires, décédé depuis. Le livre lui avait plu. Mais, l'ouvrage n'était pas publiable en l'état dans la conjoncture difficile. Je le repris de fond en comble, le romançant et recentrant et tirant le fond de la trame d'un fait divers passé dans une localité du pays où un ancien moudjahid a tué un repenti et, pour cet acte, il fut condamné. Voilà comment est né le premier livre '' Le vieux fusil'', paru en 2010.
Il a suffi que vous écriviez un premier roman pour ne plus vous arrêter. Vous avez actuellement édité plus de 10 romans, pouvez-vous nous parler de cet aspect prolifique de votre parcours d'écrivain?
Nous vivons dans une période où tout bouge, mais peu de choses s'écrivent. Ailleurs, un simple fait divers donne lieu à des dizaines de livres publiés dans les trois mois qui suivent l'événement. Ainsi, au premier livre publié, l'envie vous prend de commencer un deuxième qui suit sans s'en apercevoir, l'idée et la forme ont largement cogité dans votre cerveau. On est pris dans une sorte de spirale. Sans vraiment le vouloir, l'auteur est aspiré vers un trou noir extatique d'où il en ressort, heureux, mais essoré, une fois l'ouvrage accouché. J'ai publié douze ouvrages, onze romans et un essai qui traite de l'agriculture et de la sécurité alimentaire. Trois romans sont traduits en langue arabe. Tant que l'eau va à la cruche, cela ne va pas me faire surseoir. Tant mieux et pourvu que cela continue, car il arrivera un moment, le trou noir, où il faudra ranger la plume. J'espère que ce sera le plus tard possible, car il y a encore tant de choses à écrire.
Ne vous arrive-t-il donc pas d'avoir des périodes de manque total d'inspiration?
Plutôt des hauts et des bas, comme tout le monde. Le plus difficile n'est pas d'être inspiré ou pas, c'est de savoir dépasser les moments de faiblesse, car tout être traverse ce genre de période. L'essentiel n'est pas dans l'état d'âme du moment, car quoi que l'on fasse, les bons moments reviennent et, là, il faut mettre à profit ce passage à vide. Chaque auteur a un stock d'idées enfouiees en lui-même. Alors, quand l'euphorie le gagne, il donne libre cours à son génie et à son talent. Il lui suffit de reprendre le fil de son idée pour que jaillissent de ses entrailles les phrases et les mots sublimes qu'il croyait avoir perdus. Il navigue, ainsi, souvent tel un marin sûr de rejoindre son port d'attache, mais, parfois, il vogue à vau-l'eau, donnant un coup de barre par-ci, un autre par-là, choisissant lui-même les récifs sur lesquels il pourrait se fracasser; l'essentiel étant, bien sûr, d'arriver au bout du voyage. L'écrivain ne gagne pas à tous les coups. Aimé du bas et honni d'en haut, il tombe souvent, mais sait se relever. Ce type de bravade lui donne la force d'avancer. Publier est un défi. Comme déjà souligné, il y a mille et un sujets sur lesquels disserter; alors, autant se donner à coeur-joie, car une année passée sans n'avoir rien publié est une année perdue. Il suffit de savoir choisir son sujet et son moment et, la suite n'est que....bonne littérature!
Il y a une richesse impressionnante et une diversité thématique remarquable dans vos différents romans, à quoi est lié cet aspect de votre écriture?
Mes ouvrages surfent sur différents thèmes tels le terrorisme, les harraga, la mal-vie, la maladie, l'école, la femme, les mariages mixtes et blancs, les religions, la révolution, la lutte des classes, etc. N'est-ce pas ce que l'on retrouve dans l'actualité de tous les jours? Il serait fastidieux de m'étaler sur chaque ouvrage publié, mais tous sont écrit de façon à mettre en avant un sujet et lèvent le voile sur certains tabous et maux sociétaux.
Vos romans ont la spécificité de ne pas se dérouler toujours dans la même région, vous passez très facilement d'une région à une autre et d'un pays à un autre, à quoi cela est-il dû?
Les ouvrages publiés ont comme sujets les maux qui rongent la société, pour acteurs n'importe qui, d'ici ou d'ailleurs. Du reste, ayant beaucoup voyagé, c'est logique de varier les lieux où se déroule l'action dès lors qu'on a la chance de poser ses valises dans plusieurs régions de notre beau et vaste pays d'une diversité exceptionnelle! Ajouter à cela, mes différents déplacements à l'étranger qui me confèrent la possibilité d'enjamber les frontières, sans difficultés. Celui qui ne lit pas meurt à petit feu, mais celui qui ne lit pas et ne voyage pas est déjà mort. Les héros de mes ouvrages sont puisés de la foule des gens lambda, cela va de celui qui a affronté les affres du terrorisme aux harraga venus de l'Akfadou, de Sidi El Houari, du lointain Katsina au Nigeria tenter le grand écart ; des pieds-noirs revenus sur la terre de leur naissance et enfance, à l'infortunée et naïve étudiante, belle et chaste; de cet ancien combattant mort sans sépulture déchiqueté par les chacals, aux jeunes hommes et jeunes filles partis en France étudier ou se marier.
Les sujets et les histoires développés dans vos romans sont-ils tirés de situations vraies?
Il y a toujours une part de vérité et une part de rêves, même si pour certains, un écrivain ment plus qu'un arracheur de dents. Les auteurs écrivent sur leur vécu et leur ressenti, ou sur ceux des autres auxquels ils prêtent leur plume le temps d'un récit. Ils enrobent l'ouvrage d'une enveloppe et d'une chronologie qui attirent le lecteur. Mettre en évidence un sujet ou un fait vécu aide à construire une histoire. Tous mes ouvrages sont tirés de situations vraies que j'ai romancées afin que chacun fasse la part des choses comme il le souhaite.
Généralement, les écrivains commencent leurs premiers romans avec de larges inspirations autobiographiques, ce n'est pas votre cas, pourquoi?
Disons que j'ai commencé à rebrousse-poil. Il fallait que j'écrive le premier livre «le vieux fusil» parce que les événements rapportés étaient d'une actualité brûlante et, du reste, en ces années de feu, dans la wilaya de Médéa martyrisée, j'étais aux premières loges et, il m'était facile de décrire la situation d'alors tant que les idées étaient bien en place. Puis après, les maux sociétaux ont pris le dessus. Comme l'inspiration est toujours aussi profonde et vivace, comme tous les auteurs, je ne dérogerai pas à cette coutume; le livre autobiographique est déjà mûr.
Votre style d'écriture est extrêmement imagé, il fourmille de détails, comment parvenez-vous à décrire avec une exactitude étonnante des situations que vous n'avez pas forcément vécues de manière directe?
Un texte sans description, c'est comme un arbre effeuillé qui renvoie à la morosité de la mauvaise saison. Les classiques de la littérature française et russe fourmillent de descriptions qui guident le lecteur à situer l'action. Victor Hugo, Gustave Flaubert et Zola, consacrent plusieurs pages à la description de l'environnement de leurs récits. Ce style s'acquiert, certes en se concentrant sur les choses qui nous entourent, aussi futiles soient-elles, mais il se puise dans les ouvrages. Ce ne sont pas forcément des situations vécues, quand bien même celles-ci aident le romancier à mieux achalander son texte.
Quel roman considérez-vous comme étant votre meilleur?
Demandez à un père de famille quel est l'enfant qu'il préfère; dans un premier temps, il vous rabrouerait puis, vous répondrait qu'il les aime tous, naturellement. Mais, dans son tréfonds, il sait qu'il a une préférence pour l'un d'eux, même s'il n'aime pas trop la montrer. C'est ainsi pour les livres et à toutes les choses auxquelles l'être humain tient. Je trouve les ouvrages tous bons, quoique j'aie un petit penchant pour ''Feriel'' et ''Meurs, demain ça ira mieux''. Pourquoi? Tout simplement, pour le premier, des amis voulaient me convaincre de ne pas le publier, un sujet tabou, disaient-ils. Pour le deuxième, je voulais rendre hommage aux glorieux martyrs de la révolution morts, jamais retrouvés et restés sans tombe.


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