Vingt-cinq ans de mystère, et au bout du compte une seule récente photo de lui, à l'occasion de sa mise à la retraite. Le général Mediene dit Toufik, chef du DRS, services de renseignement algérien, a réussi à rester dans l'ombre pendant toutes les années qu'il a passées à la tête du département (1990-2015) et à garder son ombre dans toutes les grandes décisions du pays. Une pratique du secret certainement héritée du KGB russe qui amplifiera sa puissance acquise sur le terrain avec le maillage de tout le pays et les acquis de la lutte contre le terrorisme. Craint et redouté, il est souvent évoqué par des images : l'homme au cigare, le grand T, ou encore l'homme derrière les lunettes. Les rares témoignages faits par des responsables étrangers donnent de lui une image plutôt positive. Français et Américains évoquent un homme "fin et courtois" même si les diplomates américains qualifient le DRS de service paranoïaque. Qui sera pourtant très sollicité après qu'il eut jeté des passerelles avec la CIA américaine bien avant les attentats du 11 Septembre et les services français qui ont fini par reconnaître la qualité d'incontournable partenaire après avoir longtemps joué la carte du "qui tue qui". Souvent présenté comme l'un des décideurs, certains sont allés jusqu'à l'affubler du poste de "Dieu de l'Algérie", membre du cabinet noir, le pouvoir réel, selon la formule de S. A. Ghozali, avec un rôle égal à celui, prétendu, de Larbi Belkheir, et qui s'élargira avec la mise à l'écart et le décès de ce dernier. Ce qui fera dire à certains, notamment des partis de l'opposition, que le DRS est le plus grand parti politique dans le pays. Et le patron des renseignements serait le marionnettiste de nombreux partis. Mais passé la terrible tempête de la décennie noire à laquelle, comme toutes les autres bourrasques, il a survécu, le mythe descend dans l'arène de la guerre intrasystème. Le fait de prononcer son nom ne fait plus peur. Les politiques l'évoquent comme n'importe quel personnage, d'autres l'accusent. Amar Ghoul l'évoque ainsi comme un voisin de palier avec qui il fait des parties de foot du style inter-quartiers. Ouyahia, lui, parle "du frère Toufik". En revanche, Amar Saâdani, qui ne s'encombre d'aucune politesse, sort la grosse artillerie pour lancer une entreprise de démystification, en l'accusant d'être à l'origine de tous les maux du pays et d'être défaillant dans sa mission. Il ira plus loin en disant avoir remis le dossier de ses acquisitions immobilières en France au général Toufik réduisant ainsi son image à celle d'un agent immobilier. Il est cependant remarquable que le général n'ait jamais réagi. Du moins publiquement. Il part à la retraite avec une statue de mythe fissurée. D B.