C'est probablement l'un des effets induits par l'inédit mouvement populaire qui s'exprime depuis le 22 février dernier : l'essentiel de la classe politique, qui a meublé le "champ politique" depuis l'ouverture "démocratique" de 1989 et, dans la foulée, des prétendues réformes de 2011, s'est retrouvé bousculé, voire rejeté pour certains partis, à telle enseigne qu'aujourd'hui il semble peiner à retrouver ses repères sur un échiquier complétement métamorphosé et à s'accommoder d'une situation en pleine mutation. À tort ou à raison, le mouvement, dès son appariation, a non seulement réclamé le changement radical, mais a aussi jeté aux orties les partis accusés, pour un bon nombre d'entre eux, d'avoir composé d'une façon ou d'une autre avec le système. On se rappelle comment certains leaders politiques ont été malmenés au cours des premières marches. Au fil des mois, si certains, avec des fortunes diverses, ont tenté de faire jonction avec le hirak, d'autres, en revanche, prisonniers de leur compagnonnage du pouvoir, lorsqu'ils n'ont pas constitué son relais et sa base politique, ont été complétement pulvérisés. Rien de plus emblématique de cette descente aux enfers que le sort des partis de l'alliance présidentielle. Décriés et rejetés par la population, le FLN et le RND, éclaboussés par l'emprisonnement de leurs chefs pour des affaires de corruption, se sont employés à accompagner presque clandestinement le "pouvoir de fait", avant de connaître une véritable bérézina lors de la dernière élection présidentielle. Leur choix de soutenir Azzedine Mihoubi, un homme présenté au début de la campagne comme le favori du pouvoir, pour des raisons qui demeurent inconnues, va s'avérer catastrophique. Non seulement leur candidat connaîtra une déroute, mais les répliques se sont très vite ressenties dans les rangs des deux formations. Signe du malaise : le RND entame une purge dans ses rangs, alors que le FLN, déjà empêtré dans la crise, voit ses militants grogner contre la direction. Et rien ne dit que les deux partis pourraient revenir à leurs anciens ancrages et à se reconstruire sur leurs décombres. Surfant entre l'opposition et la proximité avec le système, Ali Benflis, fondateur de Talaie El-Houriat en 2015, a fini par jeter l'éponge et passer le flambeau après un troisième échec successif à l'élection présidentielle. Son parti, mi-nationaliste, mi-démocrate, aura fort à faire pour se frayer un chemin et se positionner sur l'échiquier politique. Dans la famille islamiste, l'heure est également au repositionnement, signe patent d'une recomposition à venir. Après avoir préconisé au début de l'année une prolongation du mandat de Bouteflika, en plaidant "le consensus", puis tenté d'accompagner le hirak, le MSP a opéré un virage à la faveur de l'élection présidentielle imposée par un coup de force. Sans la rejeter explicitement, il s'est gardé de ne soutenir aucun candidat. Aujourd'hui, non seulement, il affiche sa disponibilité à dialoguer, mais encore, il n'exclut pas l'idée d'une éventuelle intégration de l'exécutif si l'orientation concorde avec l'idée de la construction du consensus qu'il réclame. Invité surprise de la présidentielle en arrivant second, Abdelkader Bengrina semble disposé à accompagner le nouveau pouvoir pour peu qu'il s'appuie, dit-il, sur la plateforme d'Aïn Benian. Quant à Abdallah Djaballah, qui souffle le chaud et le froid, incommodé par la revendication de "l'Etat civil" du hirak qui renvoie, à ses yeux, à la sécularisation de l'Etat, il semble éprouver des difficultés à avoir une position tranchée. Dans le camp démocratique, le FFS et le RCD, regroupés au sein du PAD avec d'autres partis dont le PT, continuent à réclamer la transition, mais sans, pour l'heure, réussir à infléchir le pouvoir. Même très impliqués dans le mouvement, leurs problèmes internes les contraignent à quelques révisions pour asseoir leur ancrage. Soufiane Djilali, lui, semble déjà opter pour une nouvelle démarche en accordant quelque sursis au nouveau locataire d'El-Mouradia après sa disponibilité affichée au dialogue, alors que, jusque-là, il s'affichait comme un farouche opposant au régime.