Mis en cause par les avocats et une partie de l'opinion publique, les juges organisent la riposte. À l'ouverture d'une session ordinaire du conseil national du Syndicat national des magistrats (SNM), Issad Mabrouk rappelle que l'indépendance de la justice est l'affaire "de toute la société". Le secrétaire général du syndicat des juges s'en prend à une "frange" des avocats tout en appelant à l'ouverture du dialogue avec cette corporation. Dans son allocution d'ouverture, prononcée hier à Alger, Issad Mabrouk a tenté de clamer l'indépendance de son organisation. "Le SNM (...) précise que le syndicat n'est pas un comité de soutien à quiconque et n'est en opposition à personne. Le capital de son indépendance est intangible et incessible", a-t-il indiqué pour probablement couper court aux accusations portant sur l'influence du pouvoir exécutif sur les magistrats. Mais cette "mise au point" était précédée par un aveu : les juges ne peuvent être garants, à eux seuls, de l'indépendance de la justice. "La démarche qui consiste à extraire la justice des pressions de choix politiques ou des pressions individuelles doit être celle de toute la société et ne doit pas être limitée à la lutte d'une frange sans d'autres (...)", indique Issad Mabrouk. En plus de l'implication de "toute la société" dans la quête de l'indépendance de la justice, Issad Mabrouk réclame une "volonté politique" et "une protection" de l'Etat. Les juges "sont prêts à assumer leur rôle si une volonté politique et une protection nécessaire à la consécration d'une véritable indépendance qui garantit la protection et la sérénité pour tous sont réunies", a-t-il fulminé. Il dit aussi son souhait de voir "les lois organiques" qui découleront de la révision constitutionnelle consacrer "l'indépendance de la justice de façon effective de sorte à garantir la sécurité judiciaire de manière véridique". Cette session du conseil national du SNM intervient en pleine polémique entre les juges et les avocats. Sans les nommer, Issad Mabrouk accuse "une petite catégorie" d'avocats qui "se cachent derrière la robe d'avocat pour exercer beaucoup de charlatanisme et de mercenariat" de "dévier certains dossiers" judiciaires de "leur bon cheminement". Le juge veut distinguer cette "catégorie" d'autres avocats aux "parcours professionnel et moral irréprochables" qui "donnent, chaque jour, d'excellents exemples dans la défense des droits et libertés". À l'adresse des premiers, il invite les acteurs du secteur à les "dénoncer" et aux seconds, il tend la main pour "mettre les fondements d'une coopération confiante et durable avec eux pour parvenir à un Etat de droit et des libertés, loin de toute surenchère". Pour apaiser les tensions entre les deux corps, Issad Mabrouk estime que "quelles que soient les limites et les certitudes, les juges resteront la locomotive de la justice et les avocats les garants de la défense des droits et de la protection des libertés pour prévenir l'arbitraire et la dénonciation des abus. Aucune manœuvre, aussi maligne soit-elle, ne peut empoisonner les relations fraternelles qui existent entre les juges et les avocats".