Le porte-étendard à bicyclette revient cette semaine pour nous replonger dans une enfance gagnée par la rage de vaincre l'adversité. Il avait pour nom Ami Brihmat. Sa longue silhouette féline aux allures de marionnettiste s'imposait jovialement au grand bonheur des enfants. Un forain ambulant pas comme les autres. Un bouquet de ballon en cire accroché au mat de son vélo, il sillonnait le tout Belcourt, aux sons joviaux d'un ramage de serin dont il détient le secret. En maître siffleur, ce faiseur de joie passait pour un messager, un genre de boite aux lettres annonçant la bonne humeur. Il investit la rue dans son énigmatique accoutrement bleu de chauffe et chéchia, avec dans son coffre arrière, accroché aux ailes de son vélo, les accessoires et joujoux en tout genre. A ne pas se méprendre ! Il a servi de guetteur et de cache pour armes après forfait. Ce pan de militantisme de ce magnifique comédien se confond follement avec son candide métier de troubadour sans fanfare. Seul, le chant du serin lui servait de contact avec la société. Une triste vie d'artiste, masqué par un sourire à toute épreuve, Brihmat était l'incontournable personnage du One Man Show, il arrivait en une série de sifflements saccadés entonner « Kassaman ». Un clin d'œil aux enfants pour marquer sa présence dans les feux de l'action. S'il n'y avait pas Brihmat, il fallait se l'inventer. En pleine lutte armée, le côté jardin de l'enfance était pris en charge par ce globe-trotter. Il n'arrêtait pas de déambuler à travers toutes les artères de la capitale, même dans les quartiers européens pour des missions de reconnaissance, se fondant avec d'autres acteurs à la criée, il passait pour le paisible forain venu donner du spectacle à la sortie des écoles. La vue de Brihmat ne laisse pas indifférent. Une « meute » de bambins s'agglutine autour de son vélo pour entendre le légendaire ramage du serin. A force de répéter cette farandole aux quatre coins de la capitale, les enfants se mirent à copier ces répliques de vieil oiselier. Il aura laissé tout un legs, le sourire et la joie n'ont jamais été immortalisés dans ces échos lointains qui retentissent de nouveau dans nos souvenirs. Son tout dernier sprint le jour de l'indépendance, sur son légendaire vélo, il prend l'étendard qu'il fixe à l'arrière et entame une parade avec la liberté, qu'il n'a cessé de défendre par son grand art à redonner la joie aux enfants.