Il y a quelques jours, une opération de reconduite aux frontières, décidée par la Direction de l'action sociale (DAS) d'Oran, a concerné une vingtaine de familles subsahariennes. «Des autobus ont été mobilisés pour reconduire environ quatre-vingts personnes, en majorité des enfants, vers les frontières sud», ont indiqué des sources de cette institution publique qui ont précisé que l'opération va se poursuivre jusqu'à l'éradication du phénomène. Ces familles, qui squattaient les abords de l'avenue Chakib-Arslane et certains quartiers du centre-ville, vivent des aides de certains citoyens, du Croissant Rouge algérien et de mendicité. «Chaque jour que Dieu fait, des petits enfants qui ne parlent ni l'arabe ni le français partent à l'assaut des passants faisant l'aumône. Ces familles habitent des coins de fortune aménagés dans différents quartiers du centre-ville. Leur présence est devenue trop voyante et la reconduite aux frontières était devenue nécessaire», affirme la même source. Il y a quelques mois, avec l'arrivée des premiers contingents qui avaient squatté les abords de la gare routière de Yaghmoracen, les autorités de la wilaya avaient réquisitionné un hangar dans la zone industrielle de Hassi Ameur pour les regrouper. Sitôt l'opération terminée, ces Subsahariens sont revenus occuper les mêmes espaces et vivre les mêmes difficultés. Une seconde opération a permis de les installer à Boufatis, mais a connu le même échec. «Les contacts et démarches établies pour les identifier ont permis d'établir les nationalités du premier contingent reconduit aux frontières», affirme-t-on du côté de la DAS, précisant que l'Algérie, qui a ratifié les conventions internationales relatives à la protection des refugiés, ne pouvait procéder à une reconduite aux frontières musclée ou forcée. Qui sont ces familles échouées dans les rues d'Oran ? Il y a quelques jours, nous avions réussi à établir un contact difficile avec un quinquagénaire, Mahtar, retrouvé non loin de la gare routière de Yaghmoracen. Ce dernier, qui se définit comme musulman, dira, dans un français approximatif, être venu rechercher la paix et la sécurité dans un pays connu pour son hospitalité. «Les Algériens sont nos frères et ils se montrent tolérants avec nous», dira-t-il. Il affirme qu'il est originaire du nord du Mali et qu'il est apparenté à une tribu targuie. «Nous avons fui la misère et le dénuement. Nous n'avions même pas une source pour étancher notre soif. Nous vivions d'élevage, et avec la guerre qui fait rage au nord du Mali et les mouvements des groupes armés au nord du Niger, nos mouvements se sont ralentis. Nous ne pouvions plus errer à la recherche de pâturage comme le faisaient nos ancêtres. Trouver du travail dans les grandes villes est impossible avec la crise que vit notre pays. J'ai pris mes enfants et mes trois épouses et j'ai traversé la frontière pour me retrouver en Algérie. Une fois arrivé à Tamanrasset, j'ai pris un taxi qui m'a conduit à Ghardaïa et de là j'ai voyagé avec le peu d'argent qui me restait pour me retrouver à Oran. Je suis à bout de force. Qui accepte de vivre dans ces conditions ? Personne. J'aurais bien aimé rester chez moi, mais la situation là-bas ne permet aucun mouvement et n'offre même pas les exigences les plus élémentaires de la vie», dira-t-il. «La guerre dans le nord du Mali nous a affectés» Plus explicite, il affirmera que le conflit du nord du Mali a touché la région nord du Niger. «Dans les contrées du Sahara, les frontières n'existent pas. Les groupes armés qui sévissent dans ce pays font des incursions même au Niger. Pourchassés par l'armée, ils constituent pour nous une sérieuse menace. C'est ce qui nous a poussés à fuir ces régions. Le tribalisme est très présent dans ces régions et aujourd'hui avec l'instabilité que connaissent ces deux pays, les tribus qui vivent d'élevage sont devenues la cible aussi bien des groupes armés que de l'armée qui mène des exactions. On ne sait plus quoi faire. Cette vie d'errance ne nous convient pas. J'aurais aimé assurer à mes enfants les moyens de subsistance et leur offrir une place à l'école mais que voulez-vous, je sais que je serai un jour reconduit aux frontières, mais les jours que j'aurais passés en Algérie, aussi durs soient-ils, ont été réconfortants pour moi, ils m'ont permis de souffler», dira-t-il. Oran, un cul-de-sac… Ces familles, composées en majorité de personnes âgées et de petits enfants, n'aspirent pas à un voyage vers l'Europe. Elles sont venues rechercher la sécurité en attendant de retrouver leurs terres. «Nous ne pouvons pas faire la traversée vers l'Europe, nous n'avons ni la force ni les moyens pour le faire. Nous sommes coincés à Oran et nous attendons que la paix soit rétablie au Sahel pour repartir chez nous. Nous sommes comme coincés dans un cul-de-sac. Nous ne pouvons même pas gagner notre croûte à la force de nos bras car nos sommes en majorité des personnes âgées avec des enfants. Nous ne pouvons que vivre d'aumône et d'aides», dira notre interlocuteur qui nous fera remarquer que parmi ses enfants figure un handicapé moteur qui ne peut même pas se déplacer vers le centre-ville pour demander la charité. «Depuis l'apparition du phénomène, nous avons reconduit 219 réfugiés vers la ville de Tamanrasset en attendant leur reconduite dans leur pays d'origine. Nous sommes sensibles à leur détresse, mais que voulez-vous, on ne peut pas tolérer le phénomène car il s'agit d'un transit que la ville ne peut assumer. Nous avons fait ce que nous pouvions, mais on ne pouvait pas laisser leurs rangs grossir indéfiniment», dira une source de la DAS.